Souterrains

"Faut bien que quelqu'un y aille, nan ? Si tu me voies pas revenir, ben... Tu devras te débrouiller toute seule en fait."

Faust tourna le dos à Eliade et regarda dans l'eau, il voyait à peu près le passage par lequel il devait passer. Et autant dire la vérité, il était mort de trouille, il n'arrêtait pas de s'imaginer en train d'agoniser, brûlé par les rayons du soleil. C'était bien la première fois qu'il allait se dévouer pour quelqu'un, préférant d'habitude que ce soient les autres qui le fassent. Il plongea finalement et commenca à nager en direction de la sortie, puis il fit brusquement demi-tour pour revenir près d'Eliade.

"Attends, j'avais oublié un truc."

Il attrapa à son tour le col du haut d'Eliade et l'attira à lui pour l'embrasser. Le baiser fini, il la regarda en souriant les yeux fermés.

"A tout à l'heure."

Il reprit son périple aquatique, avec l'esprit léger au cas où il mourrait.

Eliade resta un moment immobile, le froid, plus l'attitude de Faust, forcément, ça engourdissait un peu...

( Tout les mecs ça, tu leur donnes un baiser, et ils pensent que tu les aimes... )

Au bout de plusieurs minutes, Eliade commença sérieusement à s'inquiéter pour Faust., il n'était toujours pas revenu, avait-il réussi à trouver la surface ? Mais est-ce que là-bas il ne faisait pas jour ? Ou avait-il simplement coulé en route ?...

Elle se raccrocha à une pierre, le froid commençait à l'affecter sérieusement...

( J'aurais du sucer le sang de cet abruti de boule de poils jusqu'à la dernière goutte au lieu de le laisser se décomposer... )

Faust était arrivé de l'autre côté du tunnel, il venait de déboucher sur une grande grotte. Le soleil était levé sur le monde d'Halloween, mais il ne parvenait jusqu'à Faust grâce aux parois de la grotte, une chance pour Faust qui aurait été réduit en cendres dès sa sortie de l'eau.

"Génial ! On va pouvoir attendre ici que le soleil se couche, c'est pas plus mal... En espérant que cet astre du jour à la con n'éclaire pas l'ensemble de la grotte..."

Il reprit sa complète respiration et replongea pour aller prévenir Eliade. Arrivé jusqu'à elle, il reprit son air habituel, faisant mine d'oublier qu'il l'avait embrassé en croyant qu'il allait mourir.

"C'est bon, la voie est libre."

Accueil réglementaire pour Faust de la part d'Eliade, bien sûr:

" T'en as mis du temps ! "

Elle se décrocha de son rocher, et alla à côté de Faust...

" Bon, ouvres la marche avant que je ne m'engourdisse ! "

"Même pas un petit "Je suis contente que tu ailles bien" ? Pff... Rendez service aux gens ! Ca m'apprendra, tiens !"

Faust replongea, bien énervé par l'attitude d'Eliade. D'ailleurs, elle envahissait son esprit, il ne cessait de l'imaginer en train de brûler au soleil... Revenu à la grotte, il remonta sur la "terre ferme" et s'assit contre un mur, bien décidé à se reposer

"Tss... Espérons qu'elle se noie, ça me fera des vacances..."

Quelques secondes plus tard, Eliade ressurgit à la surface. Elle était essoufflée, après tout, elle ne nageait pas souvent en apnée...

Elle sortit de l'eau, encore plus trempée qu'elle ne l'avait été lors de sa première visite, et alla se poser loin de Faust, dans un coin de la grotte...

( Si je ne meurs pas brûlée au soleil, je vais mourir en attrapant la crève... )

"C'est con qu'on puisse pas aller au soleil pour se réchauffer, hein ? Héhé... Reum, bon..."

Faust frissonnait encore plus qu'avant, tout ce qu'il voulait à ce moment précis, c'était un bain chaud ou au moins un feu. Mais il n'avait aucun des deux et sa condition l'empêchait d'aller au soleil. Il décida d'enlever ses vêtements et de les jeter au soleil pour qu'il sèchent, il les recupèrerait après le coucher du soleil, il ne garda que son caleçon.

"Tu devrais faire pareil. T'inquiètes, je regarderais pas."

" Je préfère me les geler... "

Eliade se recroquevilla sur elle-même, le froid était si intense qu'il lui glaçait le sang, elle avait même l'impression qu'elle avait eu plus chaud dans l'eau tout à l'heure que maintenant...
Elle tourna la tête en direction de Faust...

" Tu ne vas pas avoir froid, toi ? Même si le soleil est levé, il ne fait pas vraiment chaud... "

"C'est toujours mieux que d'avoir des vêtements trempés... Mais oui, j'ai froid ! Et tout ça à cause de toi et de ton exploration à la con ! Franchement, j'te retiens ! Compte pas sur moi pour t'accompagner la prochaine fois !"

Faust se recroquevilla sur lui-même, le froid le tenaillait et il ne sentait presque plus ses pieds. Il regardait les zones ensoleillées comme un affamé regarderait un quartier de viande.

"Des fois, je déteste être vampire..."

Eliade se leva, elle tenait à peine sur ses jambes. Elle posa son haut tout en avançant vers le soleil, et le lança à côté des vêtements de Faust, pour aller se coller à lui quelques secondes plus tard...

" T'es prévenu... Première et dernière fois que je fais ça... "

Faust détourna la tête en gonflant les joues.

"T'inquiètes pas, c'est la dernière fois que je viens explorer les grottes avec toi..."

Il regarda du coin de l'oeil les vêtements qui séchaient au soleil.

"Le temps que le soleil se couche, ils seront sûrement secs. Y'a plus qu'à attendre..."

" On n'a pas fini... "

Eliade eu un frisson et se blottit davantage contre Faust... Même si elle n'était pas suffisamment engourdie pour ne plus se rendre compte de ce qu'elle faisait, elle n'avait pas le courage de se retirer...

Faust n'osait pas bouger, mais il ignorait si c'était par peur de l'énerver s'il bougeait ou juste parce qu'il aimait bien cette situation. Une période de silence dura une bonne dizaine de minutes pendant lesquelles Faust se contentait de tousser et de siffler de temps en temps.

"Dis, euh..."

Il se gratta la joue du doigt, gêné.

"Désolé de t'avoir embrassé tout à l'heure, je croyais que j'allais mourir alors... Ca me passait juste par la tête."

Eliade se contenta de sourire sans bouger. Elle avait l'impression que sa température raugmentait doucement, Faust était un bon radiateur ambulant visiblement...

" Ne t'excuses pas, ça n'a rien de très grave... "

Elle se décolla un peu de Faust, et s'appuya au mur de la grotte...

" Tu crois que le soleil va venir jusqu'à nous ? "

"J'en ai aucune idée. Et puis tout c'qu'on a à faire, c'est ne pas s'endormir. On verra le soleil arriver comme ça."

Faust se recroquevilla, les genoux collés contre sa poitrine, les bras les entourant et la tête posée sur les bras. Il fixait le tunnel par lequel ils étaient arrivés.

"Mais au fait..."

Il tourna la tête vers Eliade.

"Pourquoi, toi, tu m'as embrassé ?"

Elle sourit en fixant le soleil monter doucement...

" Je te l'ai dit, pour te calmer afin que je puisse réfléchir... "

Elle bougea doucement son bras, et l'étendit devant elle...

" Je commence à retrouver des sensations dans mes membres ! C'est agréable ! "

"Tu vois que j'avais raison pour les vêtements trempés..."

Faust regarda l'extérieur et soupira longuement.

"On a vraiment pas de chance, il doit être à peine 10h du matin, on est là pour encore un moment."

" Moui... Le temps va être long... "

Eliade soupira, et s'allongea dans la grotte, perpendiculairement à Faust...

" Si on philosophait ? Ça fera passer le temps ! "

Faust resta dans sa position, recroquevillé autant qu'il le pouvait, fixant les vêtements qui séchaient au soleil.

"Et philosopher sur quoi ? Sur notre condition de vampire ? Sur le pourquoi du comment des chats noirs ? De la raison pour laquelle les Nagas me débectent tant que ça ? Y'a plein de sujets possibles, mais aucun d'intéressant."

Il ferma les yeux et essaya de dormir, espérant que le temps passe plus vite de cette façon.

Eliade redressa la tête, et donna un léger coup de pied dans la cuisse de Faust...

" Tu l'as dit toi-même, on ne doit pas dormir ! "

Elle s'étendit de tout son long, et tourna la tête vers la mer...

" Tu as combien de vampires dans ta crypte ? "

Faust grommela en se tenant la cuisse.

"Aie ! Mais fous moi la paix ! Du moment que tu dors pas, j'peux l'faire, moi ! Gnnnn ! ><"

Il se frotta un peu la cuisse et haussa un sourcil.

"Parce que tu crois que je tiens un recensement ? Toute ma famille habite là-bas, mais y'en a qui sont tellement vieux qu'ils ne font que dormir, même la nuit. Des fois, j'entends des pas à l'étage, je suppose que c'est mes ancêtres mais je les ai jamais vu."

" Et on t'a jamais appris la galanterie peut-être ?! "

Elle se redressa brutalement et adressa un sourire à Faust...

" Il y a du monde dans ta caverne dis donc... "

Eliade se leva et marcha vers le soleil, s'arrêtant seulement à un mètre environ de la lumière...

" Remarque, si on compte les rats, j'ai aussi du monde dans la mienne... "

Faust ne put retenir un ricanement.

"Si on compte les rats de ton taudis, il y a plus d'habitants chez toi que dans toute la ville..."

Silence. Toussement gêné de Faust.

"Excuse moi, c'est... Un réflexe, on va dire. Je voulais pas t'insulter."

Eliade éclata de rire...

" Parce que tu crois que ça me touche ? "

Elle se retourna vers Faust en souriant, et reprit :

" Je suis dans ce "taudis" par obligation, donc tu peux le critiquer autant que tu veux, ça ne me gène pas ! Et c'est mignon les rats... "

Elle s'assit, tournant le dos au soleil...

" Et puis moi et la compagnie, c'est pas vraiment mon truc, je crois d'ailleurs que tu l'as remarqué... "

Eliade observa la mer s'agiter doucement en même temps que le jour se levait... Le soleil se reflétait dans l'eau azure. Eliade songeait à toutes les choses passées qu'elle avait depuis longtemps oublié... Depuis qu'elle était devenue vampire en fait...

" Je me demande où partent ceux à qui on a sucé le sang... S'ils ont une mort comme les autres... Ou un sort différent... Oups ! Je réfléchis à haute voix... Excuse-moi... "

Un nouveau silence s'installa, rompu par un long soupir de la jeune fille...

" Une chose me trotte dans l'esprit... Tu es vampire de naissance, n'est-ce pas ? Ce qui signifie que tu n'as jamais senti le soleil sur ta peau... Je me trompe ? "

Faust sourit, les interrogations d'Eliade l'amusaient. Un vampire qui pense au sort de ses victimes, c'est plutôt rare.

"La mort de mes victimes ne m'intéresse absolument pas. Je les mords, ils meurent, je suis content, eux pas. Ca s'arrête là pour moi.

Il regarda la zone ensoleillée, fixant ses vêtements.

"Vampire de naissance... Ouais, je suis né comme ça... Pas toi ?"

Il s'appuya sur le mur et leva la tête pour fixer le plafond en soupirant, son regard laissait transparaître une certaine amertume.

"Le soleil sur la peau... Non, j'ai jamais senti ça, mais ne t'imagines pas que ça me manque. On ne peut manquer de quelque chose qu'on n'a jamais connu."

Il essaya un petit sourire.

"Mais je mentirais si je disais que je ne suis pas curieux de savoir la sensation qu'on a quand le soleil nous darde de ses rayons..."